Commémorations
Une figure emblématique de la résistance féminine
Louis Aragon lit un extrait de son poème Musée Grévin, écrit pour honorer les victimes de la déportation mais également pour honorer et accueillir les survivants qui reviendraient de l'enfer. Dans ce poème il évoque la mort de Danielle et de Maï Politzer :
Auschwitz ! Auschwitz ! Ô syllabes sanglantes !
Ici l'on vit, ici l'on meurt à petit feu.
On appelle cela l'extermination lente.
Une part de nos cœurs y périt peu à peuLimites de la faim, limites de la force
Ni le Christ n'a connu ce terrible cheminNi cet interminable et déchirant divorce
De l'âme humaine avec l'univers inhumain…Puisque je ne pourrais ici tous les redir
Ces cent noms, doux aux fils, aux frères, aux maris,
C'est vous que je salue, en disant en cette heure la pire,
Marie-Claude, en disant : Je vous salue Marie.Hélas les terribles semailles
Ensanglantent ce long été
Cela dure trop écoutez
On dit que Danielle et Maï...Les mots sont nuls et peu touchants.
Maï et Danielle…Y puis-je croire ?
Comment achever cette histoire ?
Qui coupe le cœur et le chant ?Je vous salue Marie de France aux cents visages
Et celles parmi vous qui portent à jamais
La gloire inexpiable aux assassins d'otages
Seulement de survivre à ceux qu'elles aimaient
« Les morts, ceux qui rentrent dans l'Histoire, perdent avec le temps leur chair, leur voix, leur regard. Ce que Danielle a donné à l'humanité c'est sa personnalité ; si on l'oublie l'humanité perd cet apport » Elsa Triolet - 1948
Des centaines de rues, avenues, boulevards, crèches et collèges, maisons de santé ont été baptisés de son nom après la libération.
Un Ferry portant son nom a été mis en service en 1989 pour assurer la liaison Corse Continent.
« En France, Danielle devient une figure emblématique de la propagande en direction des femmes. Dans l’histoire elle devient l’incarnation de l ́Héroïne de la Résistance. L’utilisation d’un personnage héroïque permet aux organisations politiques d’exalter les valeurs constitutives du groupe, de donner une image valorisante de ses militants, de mobiliser ou de susciter l’action comme par exemple Danielle Casanova. Elle a donc fait l’objet d’un culte très intense, il semble que l’exaltation de sa mémoire répond à la nécessité de rendre hommage aux sacrifices des femmes résistantes, dont elle le symbole. Il faut souligner la signification du travail des femmes pour leur indépendance économique, l’autonomie dans la pensée, le développement de la conscience, l’engagement social, et l’encouragement de l’esprit de résistance» (source Gilzmer, 2003).
Parmi les divers monuments qui lui sont consacrés, il est possible de citer la statue de Romainville (Seine-Saint-Denis).
La statue est posée sur un haut piédestal, entre la mairie et l’église. La jeune femme semble avoir brisé ses chaines.
Tous les 10 mai des cérémonies commémoratives avaient lieu dans de nombreuses villes françaises.
Geneviève de Gaulle décrit le cheminement des héroines résistantes : « A un moment donné dans nos vies nous avons dit : ça je ne vais pas l'acepter, c'est quelque chose contre quoi je vais lutter, je vais me battre. (…) ce que nous avons en commun c'est l'inacceptable, donc un combat, donc un militantisme. Et nous avons accepté que ce militantisme nous coûte cher, que ce combat nous mette vraiment en danger de mort pour nous même et de souffrance pour ceux que nous aimons le mieux. Au mal absolu on ne peut opposer que la fraternité ; c'est ce que nous avons trouvé ensemble dans les prisons et dans les camps ;c'est cela que Danielle et Marie-Claude et bien d'autres ont eu en commun dans les camps. C'est cette fraternité qui dépassait tous les clivages. Danielle reste une héroine légendaire, (…) ce sont des figures exemplaires qui ont un rayonnement après leur mort ; on ne peut pas cesser d'en parler. Ce sont des gens qui par leur courage, leur force, leur noblesse ont été au- dessus, ont réussi à se surpasser, à se tenir debout. Danielle, c'est une femme qui s'est tenu debout. » in "Danielle Casanova : Au nom de toutes les autres" film de Marie Cristiani
« Ils ont voulu l'anéantir, ils l'ont rendue immortelle! , c'est ainsi que s'ouvrit en 1945 une cérémonie commémorant la mort de Danielle. Louis Aragon y lut un extrait de son poème Musée Grévin, écrit pour honorer les victimes de la déportation mais également pour honorer et accueillir les survivants qui reviendraient de l'enfer. Immortelle, Danielle l'a été pendant des dizaines d'années suivant la libération. Elle représentait toutes les autres femmes qui, avec courage et abnégation, se sont surpassées en surmontant leur peur pour sauver leur pays et leurs camarades. Danielle Casanova fut donc érigée, dès les mois qui suivirent sa mort, en icône majeure de la résistance. Elle reste une figure exceptionnelle parmi les nombreux héros corses, à l'image de Marie de Peretti morte en déportation à Ravensbruk.(...) Cependant dans les années 80 une longue plage de silence a suivi, reléguant aux oubliettes de l'histoire, une des héroïnes françaises les plus honorables. Le rejet de l'idéologie communiste y fut pour beaucoup. Or nous savons bien que les polémiques politiques ne peuvent occulter sans dommage les hauts faits de l'Histoire. Car le devoir de mémoire se situe bien au delà de tout esprit politique partisan. Il reste heureusement aujourd'hui quelques grands témoins de ces jours sombres : quelques compagnons de la libération, et des associations de déportés qui s'emploient sans relâche à entretenir la mémoire. Il en est de même des associations d'anciens combattants comme l'ANACR, Il en est de même également des Amis de la résistance qui perpétueront ce devoir de mémoire lorsque disparaitront les derniers témoins. En 2009, Année commémorative du centenaire de sa naissance, Danielle Casanova a été élevée au rang d'héroïne nationale. Une reconnaissance tardive et cependant méritée.» Extrait de Discours d'Isaline Amalric - Ajaccio, 10 mai 2010
Un combat pour la mémoire reste désormais à mener : que le nom de Danielle Casanova soit enfin inscrit dans les pages des hommes et des femmes célèbres des dictionnaires !